jeudi 12 janvier 2017

Faut-il nourrir les animaux en hiver ? - 1ère partie.



Faut-il nourrir les animaux sauvages en hiver?

C'est le genre de question que l'on ne se pose plus tellement la réponse semble aller de soi. Le "oui" raflerait tous les suffrages en cas d'enquête publique.

Et pourtant, la réponse est loin d'être aussi évidente...

Sans détours, ma réponse sera un franc et direct : "mouais"... Allez, je concède un "oui" sous conditions.

Tout d'abord, pourquoi nourririons-nous les oiseaux sur notre balcon?
1) Parce qu'ils sont trop mignons tout plein et qu'il fait atrocement froid dehors et que c'est décidément trop cruel de les laisser se débrouiller seuls?
Cela me serre le cœur aussi mais (allez, je vais endosser le costume du rigoriste et inflexible scientifique) il faut savoir reconnaître avec pragmatisme que la sélection naturelle, opérée de façon certes implacable en hiver, joue un rôle écologique essentiel pour la santé des populations animales sur le long terme. Elle élimine les individus les plus faibles au cours d'une d'hécatombe dramatique (on estime parfois à 75% la mortalité chez les mésanges en hiver !) permettant aux plus résistants de transmettre leurs gènes.
De plus, les espèces venant aux mangeoires sont en majorité des espèces généralistes (certaines mésanges bleues et charbonnières, des pinsons des arbres, des merles noirs, des moineaux domestiques, etc.) par ailleurs souvent déjà aidées par l'homme et adaptées à son environnement modifié. Ce ne sont pas vraiment celles (les spécialistes, un plus grand nombre d'espèces concernées) qui ont justement besoin d'aide. Je nuancerai ci-après ce constat.

2) Pour faire de belles photographies depuis sa fenêtre?
Si cela peut servir à émerveiller les gens et à les sensibiliser, pourquoi pas, effectivement. Et pour être honnête, j'ai moi-même utilisé une photo d'un ami pour le dessin de cet article. Cela ne peut pas constituer l'argument principal même s'il ne faut pas sous-estimer son importance. Et il serait assez stupide de reprocher à quiconque de vouloir admirer des animaux sauvages dans son jardin...

3) Parce que nous sommes fautifs d'avoir détruit les environnements naturels qui permettaient la subsistance de ces oiseaux? Oui !! Et re-oui ! Voilà à mon avis, un argument convaincant. Car même certaines espèces généralistes ont du mal à se nourrir dans les environnements les plus bétonnés. Nourrir les mésanges avec des graines apparaît alors comme une compensation digne du minimum syndical. Si on en profite pour les admirer au passage, tant mieux !
Mais l'idéal serait encore de recréer les conditions de leur survie en autonomie. Replanter des espèces sauvages locales d'arbres et arbustes (faudra qu'on ponde un article là-dessus!!), laisser quelques coins en friche ou en fauche tardive, des tas de bois mort, des troncs creux, tailler des arbres en têtards, restaurer les mares, etc.
Dans ces conditions-ci, nous n'aurions presque plus besoin de nourrir les piafs!

De plus, les milieux riches et diversifiés attireront beaucoup d'autres espèces qui viendront parfois aux mangeoires. Certaines un peu plus spécialisées (chardonnerets sur les chardons et cardères, pics en présence d'arbres et de bois mort), des granivores migrateurs moins fréquents (gros-becs, pinsons du nord, tarins des aulnes, sizerins sur les bouleaux, etc.), d'autres grives (litorne, mauvis), d'autres mésanges (nonnette, boréale, huppée dessinée pour cet article).


Encore faut-il aussi que la restauration des milieux ait une certaine ampleur. Par exemple, les perdrix grises ont vu leurs effectifs s'effondrer depuis que l'agriculture industrielle s'est mise en place en détruisant les bordures enherbées, les haies et autres prairies fleuries naturelles. Elles sont actuellement nourries par les chasseurs (souvent sous des installations en taule recouvertes de branchages).
C'est un palliatif artificiel compréhensible à condition qu'il ne soit que temporaire. Il serait judicieux de replanter les haies avec des aubépines, des sureaux, des rosiers sauvages, des cornouillers, du lierre, des ronces même !
Cependant, on sait que si les surfaces restaurées sont restreintes ou isolées au milieu d'un vaste paysage d'agriculture intensive, elles vont constituer un puits à prédateurs qui auront vite détecté la profusion localisée des proies. Ainsi, les perdrix n'auront pas forcément la possibilité d'augmenter leurs effectifs de façon notable (SOURCES: "La Revue Durable", septembre/octobre 2010). Le problème s'estompe ou disparait quand les superficies de milieux favorables augmentent.

La morale de cette histoire ? Et bien, c'est que la question posée n'était pas la bonne !!
Il aurait peut-être fallu demander que faire pour que les animaux se nourrissent seuls en hiver à proximité des hommes.
Disons que pour protéger la nature en général, la restauration de milieux les plus naturels et sauvages primera toujours sur le fait de nourrir les survivants. Soigner la cause du mal plutôt que ses symptômes. Et cela ne concerne pas que les réserves naturelles mais aussi, et on le voit de plus en plus souvent, tous les espaces verts occupés par l'homme : parcs, jardins, talus et bords de routes, etc.
Cela dit, ce n'est pas demain la veille qu'une gestion des espaces verts en faveur de la biodiversité sera généralisée. Puissiez-vous faire en sorte que je me trompe !
Du coup, les mangeoires ont légitimement de beaux jours devant elles pour compenser nos puissants dégâts.


PS : à suivre dans la deuxième partie : quels animaux nourrir ? Que leur donner ?

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