lundi 28 mars 2011

Le retour de l'attaque de la mort qui tue, XXIII. (Et que c'en est même carrément plus qu'affreux, au point qu'on dit que c'en devient épouvantable !)

AAARRRGGGHH !! Elles arrivent ! C'est affreux, on y passera tous !

Après "l'attaque de la moussaka géante", "le retour des daltons morts-vivants", "la malédiction du baladeur mp3 tueur" et "la conspiration des édredons étouffeurs", la dernière bobine du célèbre réalisateur de films d'épouvante, Dario Desargento, déboule dans les bacs directement en DVD.

Votre serviteur s'est fendu d'une enquête digne des plus grands journalistes pour vous dénicher en exclusivité et en avant-première le synopsis (nous avons donc un mot pour dire pitch!) tenu secret de ce nouveau monument du cinéma, en route pour révolutionner le 7ème art :
Vipérine : trop moche !


"La lumière polarisée du soleil levant tente naïvement d'égayer de ses rais vibrants l'humeur faiblarde de notre civilisation de béton. Engluée dans un sommeil barbiturique, la pauvresse n'a pas conscience de la menace effroyable qui sourd en tous lieux des entrailles infernales de la terre. Point de coulées de laves, pourtant ! Une horde d'immondes êtres vivants verdâtres prêts à nous sauter violemment à la gorge ! Leurs laids sobriquets ne sont que les justes reflets de leurs repoussantes apparences : la Véronique de Perse (Veronica persica) aux pétales bleu azur délicatement veinés de blanc, la Cardamine hirsute (Cardamine hirsuta) dont la taille gigantesque dépasse parfois 15 cm, le Lamier pourpre (Lamium purpureum) dont les horribles fleurs ressemblent à celles des orchidées. Je vous épargne la franchement moche pâquerette ! Et ce n'est qu'un aperçu extrêmement réducteur de la première vague. Ces végétaux malfaisants n'auront de cesse de surgir et de nous submerger. Bien d'autres, plus tard, vont déferler : de nouvelles hordes de coquelicots ou de Vipérine vulgaire (Echium vulgare), toutes plantes plus affreuses, plus moches les unes que les autres !

Leur nom : adventices."

Ces plantes sont très très méchantes parce que le printemps de retour, elles osent pousser sans notre aide, hors de notre obligatoire contrôle. Toute personne non dénuée du bon sens le plus élémentaire comprend le risque et le danger incommensurable que ces plantes font courir à notre survie : tremblez un peu en regardant avec effroi cette Véronique de Perse tentant d'engloutir le trottoir !

Pourtant, ce film me fait plutôt sourire comme toute bonne série Z qui se respecte. Ce n'est pas mon cauchemar. Ce serait plutôt celui de ceux qui emploient, sur les espaces verts, les jardins, soi-disant pour faire "joli" ou "propre" (étrange choix d'adjectifs), des produits chimiques mais aussi, il faut oser le dire de ceux, certes bien moins néfastes, qui s'épuisent à les éradiquer sans cesse par d'autres moyens mécaniques.

La binette est un bien bel objet. Elle est écologique et son utilisation nous oblige à pratiquer une activité physique qui fait tant défaut à nos vies sédentaires. Au potager, elle se justifie pleinement pour épargner une concurrence trop rude à nos légumes (n'oublions pas le paillage).
Mais ailleurs, est-ce vraiment la peine de s'acharner ? Toutes les plantes dont je parle aujourd'hui ne sont pas des arbustes pérennes. Il s'agit seulement de plantes annuelles. Une seule coupe par an, là où elles poussent empêchera le développement d'une flore plus robuste, ligneuse, par la suite. Il n'y a donc aucun risque en procédant de la sorte que nous soyons envahis par les végétaux de façon problématique ou irréversible.

Pensez un peu à cela : le fauchage unique annuel pratiqué dans les prairies autrefois créait un milieu composé de fleurs et graminées mais sans aucun arbuste. Je répète : aucun arbuste, une seule coupe. Et l'exportation répétée tous les ans de la fauche pour le fourrage ou la litière des bêtes empêchait le sol de trop s'enrichir (les végétaux coupés laissés au sol constituent un engrais azoté) et donc la flore de s'appauvrir et de se banaliser. L'exportation répétée tous les ans provoque une diversification importante de la flore sauvage.

Du coup, ne pourrions-nous pas envisager de patienter, au moins sur un coin du jardin, un bord de route, pour voir quelle tête ont donc ces créatures de l'enfer. Ces abominations que nous pensions devoir éradiquer?
Si vous êtes malins, le début de l'automne est une date judicieuse pour couper, faucher, tailler. Car les jours qui suivent ne verront pas les plantes repousser.
Mais pour plus de diversité, on peut aussi diviser l'espace et ne pas tout faucher en même temps, certains sols étant plus favorables à la floraison des espèces d'une saison donnée. Enfin, une masse d'insectes vous remercieront d'avoir laissé leurs larves intactes durant l'hiver sur une parcelle refuge.
Laissez un peu pousser, observez, apprenez...

Un jour, peut-être, les fleurs sauvages constitueront l'intérêt principal de nos jardins et nous les attendrons avec impatience en espérant en découvrir de nouvelles chaque année, comme les papillons qu'elles nourrissent...

Un jour, peut-être...

L'horreur a un nom. Et c'est... Véronique ! Émergeant ici parmi d'autres monstruosités : les cardamines hérissées. Rien que le nom fait frissonner...

lundi 21 mars 2011

Le nez en l'air.


Les idées ne manquent pas mais parfois le courage de les mettre en forme, un peu, si.

Mais, aujourd'hui, vous ne serez pas bredouilles pour autant chers lecteurs. J'ai pris le temps de vous croquer ce petit museau tronqué après une excursion au bord des mares.
Le petit crapaud (Bufo bufo) ne restera pourtant pas longtemps dans l'eau. Quelques jours, une semaine, tout au plus, le temps de se reproduire.

En vous hâtant un peu, vous pourrez peut-être encore en voir quelques-un...


vendredi 11 mars 2011

La mousse cérémoniale... Savoir regarder la nature - partie 3.

Voilà le genre de petite merveille naturelle que seuls les lutins, farfadets et gnomes ne manquent pas d'admirer.

Depuis les denses fourrés épineux, les profonds recoins sombres des ronciers nourriciers, une belette loubatone m'a confié l'autre soir un petit secret si réjouissant que je m'en vais le partager avec vous. Entonnant une douce mélopée, la voilà presque hypnotisée, me décrivant le défilé nocturne des petits hominidés:
"A pas lents repasse et tourne le long cortège.
Les lutins fringants, fiers de ce vrai privilège,
Psalmodient sans sourire un charmant florilège,
Au son solennel de leurs plus beaux arpèges,
Leurs vertes lanternes éclairent le manège."

Reprenant tous ses esprits, elle lâcha encore : "ils ont tourné là-bas, autour de la vieille aubépine, brandissant leurs capsules de mousses enchantées jusqu'à ce que le renard y passe".

Le temps que je tourne la tête, pour contempler le vieux végétal à la silhouette arrondie par trop de générosité, lourde de maintes boules de gui et de ses propres baies, la belette avait fui. Brusquement, comme si elle avait pris conscience de son imprudence à se permettre la licence de parler ainsi aux hommes.

Le lendemain matin, à la faveur d'une lumière chaleureuse, je me mis en quête photographique. Au bout d'un bon quart d'heure d'une promenade attentive, j'avais déjà parcouru quelques mètres le long d'un vieux mur quand je tombai nez à nez avec ces lampadaires miniaturisés, fructifications bryophytiques accrochées aux parois granuleuses de la pierre calcaire.
Ces capsules pendantes semblaient encore imprégnées d'une fluorescence à la vigueur passée. Le songe de la nuit juste écoulée éblouit mon esprit comme un éclair. C'était celui d'une belette narrant un étrange ballet nocturne...

jeudi 3 mars 2011

L'acte le plus efficace en faveur de la nature - Plantes sauvages locales - acte 1

Le temps est venu. L'heure de la grande révélation.

D'aucuns rétorqueront que j'aurais dû commencer par là : asséner  ce que nous considérons comme le principe essentiel et primordial de toute personne désirant sérieusement protéger la biodiversité. Je reconnais qu'ils n'ont pas tort. Tel un fil conducteur, une épine dorsale, cela aurait structuré et éclairé notre discours rigolard, foutraque et un brin désordonné.
Seulement, à qui donc cette information cruciale aurait-elle servi? Durant les premiers mois de son existence, notre blog n'avait qu'un public maigrelet composé de très proches contraints sous les plus abjectes tortures de le visiter.
Maintenant que la gloire absolue nous interdit d'évoluer dans la rue sans que des fans transis n'arrachent nos vêtements, nous pouvons lâcher l'information.
Bon. Alors voilà. L'acte le plus important pour protéger la biodiversité, c'est de favoriser les plantes sauvages locales... Hum! Eh ben, oui ! Je le savais ! J'ai bien essayé de monter la mayonnaise mais je vous vois consternés... Vous vous attendiez à quelque chose de plus fracassant, de plus glamour peut-être ? Une révélation mystique ? Ben non, désolé, voilà notre vérité. Efficace car simple. Une porte ouverte défoncée au canon de 75 mm par un obus chargé au bon sens.

Maintenant, arrêtons les circonvolutions superfétatoires et laissons parler quelques chiffres (source : voir en bas de page) :
EssencesNombre d'espèces d'insectesEssencesNombre d'espèces d'insectes
Chêne+ de 1000Aubépine150
Saule 260Frêne40
Bouleau230Charme30
Sorbier30Tilleul30
Noisetier70Hêtre60
Tremble100Orme80
Aulne90


Le tableau ci-dessus présente quelques végétaux sauvages locaux et le nombre d'espèces d'insectes qui peuvent se nourrir sur chacun.  Il s'agit en général des phases larvaires : par exemple, on dénombre jusqu'à 600 espèces de chenilles de papillons grignotant différentes parties des chênes sauvages. Certaines d'entre elles sont spécifiquement liées à une essence donnée et ne peuvent pas manger autre chose, d'autres sont plus généralistes et se coltinent aussi la chlorophylle ou la sève d'autres plantes.

Mais vue la quantité des insectes nourris (et même avec une légère et probable approximation des chiffres), il apparait évident que les espèces sauvages locales sont des démultiplicatrices de biodiversité.

Aucune espèce importée ne tient la comparaison. Au mieux, une poignée d'espèces se nourrissent sur les variétés modifiées ou exotiques. Par exemple, seules 2 ou 3 espèces croquent les fameux thuyas. Mais le comble, c'est que malgré leur faible diversité, ces insectes parviennent à anéantir des haies entières illico-presto de ce "béton vert".

De leur côté, les plantes locales, offertes en pâture dans l'indifférence générale à une abondante horde de profiteurs insatiables (parasites, brouteurs, croqueurs, suceurs, une foule de bestioles à poils, à antennes, à plumes, j'en passe et des meilleures !) se portent comme des charmes et résistent à quasi toutes les attaques. Adaptées depuis des siècles, à nos sols, nos climats, elles en ont vu d'autres.
Autonomes, elles se débrouillent toutes seules. Personne ne vient les arroser. Personne ne les « engraisse » artificiellement. Personne ne les soigne, ne les taille, ne les éclabousse de produits chimiques (préférons le terme de « biocides » (qui tuent la vie) plutôt que « phytosanitaires » ou « pesticides »).

Nous voilà en présence d'un système "gagnant-gagnant". Biodiversité et entretien facile.

Là, j'entends votre cerveau formuler : « Bon sang mais c'est bien sûr. Ce sont des plantes locales qu'il me faut dans mon jardin!».

C'est un idée pleine de bon sens que nos aïeux avaient exploitée jusqu'au bout. En effet, ils tiraient une foule d'avantages de ces espèces : pour l'alimentation, en agriculture et jardinage, pour leurs propriétés médicinales, en tant que matériaux de construction (architecture, outillage, etc.), bois de chauffage, etc. La liste est proprement infinie.

Rajoutons que ces variétés sont en général les moins chères même si on ne les trouve pas forcément facilement. C'est logique, le système économique et les normes esthétiques des espaces verts se sont plutôt organisés pour nous vendre des végétaux nécessitant des soins (fragilité, inadaptabilité) ou de l'entretien intensif (taille et tonte suite à une croissance très rapide : thuyas toujours !) moyennant finances...

De toutes les façons, on a encore le droit de récolter les graines et baies dans la nature et de les resemer. Et puis nombre de variétés sauvages se bouturent à partir de morceaux des jeunes rameaux. Le tout, pour le prix d'un grand bol d'air frais.

A vous de jouer. Reconstituez les haies disparues!

Guillaume.

PS : je sais, je suis trop long ! Chacun ses défauts... Il y a encore tant à dire ! A suivre...
PPS : pour cet article, nous=Olivier et moi (ce blog est donc écrit et conçu par 2 personnes). 
PPPS : source du tableau : "Le jardin idéal des bêtes - comment les accueillir", Heidi Rogner, Manfred Rogner, éditions Terre Vivante.
PPPPS : OK, j'arrête.