dimanche 8 janvier 2012

Qu'il est difficile de se perdre en forêt...


Sauf à prendre un peu d'altitude, il devient difficile de se perdre dans la nature, même en forêt, dans nos contrées soi-disant civilisées.

Comme je l'ai déjà évoqué dans un article antérieur, l'acquisition d'une paire de jumelles, alors que j'étais adolescent, a changé ma vie. Cet objet formidable rend visible des mondes inaccessibles à nos sens habituels. Il nous offre des yeux de rapace pour discerner des sujets hors de portée. Utilisé à l'envers, c'est encore une loupe efficace qui porte à notre connaissance l'exotique monde miniature. Un outil capable de vous doper à l'émerveillement induit par la découverte de la diversité et la beauté de la nature. 20 ans plus tard, j'y suis toujours accro !

Accessoirement, les jumelles ont aussi contribué à me pousser hors les murs pour explorer les recoins les plus secrets de la campagne environnante. Seul et sans téléphone portable (encore une réalité à cette époque !). Risque inouï, pure imprudence ? Ou mise en danger hypothétique et fantasmée par un adolescent timoré ?

Oh ! Rien de bien extraordinaire. Peut-être un compromis de tout cela...  J'ai conscience de ce qu'a pu signifier un jour le terme "explorateur". Celui qualifiant des têtes brûlées en progression sur des terres vierges à la faune réellement dangereuse, au climat particulièrement hostile. Un goût du risque certain, quoi. Rien à voir avec les escapades solitaires d'un adolescent lambda.

Mais bon, je me rappelle tout de même avoir senti mon cœur battre plus fort.
Certaines fois où j'avais atteint une zone inconnue d'une parcelle de forêt au cadastre flou, distant de plusieurs centaines de mètres (au mieux d'un demi-kilomètre !) de toute habitation... Perdu le temps d'un quart d'heure.
D'autres, alors que je me retrouvais au fond d'un vallon très encaissé, franchement assombri par une  végétation étrangement luxuriante, sous un enchevêtrement de troncs malades et obliques, fragiles et instables, à devoir traverser un ru rempli de dépôts de sables quasi mouvants, à la profondeur incertaine.
Dans le silence des hommes, juste assez caché pour qu'on puisse me trouver trop tard en cas d'incident.

Certes, j'aurais pu contourner, longer, rebrousser chemin. Mais au bout du compte, c'est cette pointe d'angoisse, cette pulsation aux tempes, cette sensation de danger improbable que j'étais venu chercher là. Il fallait dépasser tout cela pour se sentir plus vivant que jamais. Ma version du saut en parachute, je suppose.
Même si je ne suis pas sûr qu'on trouverait raisonnable, de nos jours, de partir seul en forêt sans téléphone, d'aucuns riront de la petitesse des aventures. Ma foi, c'est peut-être justifié. M'en fallait-il peu, à l'aune d'une témérité réduite ?

Peu importe car ce qui me laisse perplexe aujourd'hui, alors que l'âge, et je l'espère un peu de raison, m'ont rendu moins craintif, c'est la rareté du phénomène. Je ne cherche plus le sentiment de danger en lui-même, si mince soit-il, mais plutôt l'idée qu'il puisse exister à courte portée. Surtout sans avoir besoin de prendre un avion voire même à moins de 10 km de chez moi.
On ne sait même plus ce que veut dire le terme "perdu". On pourrait croire l'être parfois en forêt mais marcher tout droit ou longer une rivière durant plus de 20 minutes convainc généralement du contraire.
Quant à la faune, nulle créature ne représente un véritable danger : ni les sangliers, ni les araignées, ni même les serpents (quelques précisions ici).

En revanche, rien de plus simple que de se perdre au milieu des innombrables bretelles autoroutières d'une quelconque conurbation. Bon, j'avoue, je n'ai pas de GPS mais on a tous en tête des récits de certains de leurs conseils étriqués...
Et le seul animal réellement dangereux croisé en forêt, c'est l'homme qui y commet même des crimes.

C'est la réflexion qui tournait en boucle dans mon crâne l'autre jour en forêt, alors que, seul à nouveau, je croquais ces champignons, des Armillaires couleur de miel (Armillaria mellea), dans une forêt de plaine vaste et bien connue. Je la ressentais tellement hospitalière et inoffensive que cela en devenait étrange et troublant.

Guillaume.

PS : au fait, bonne année à tous !