samedi 29 janvier 2011

Vous êtes plutôt Lis ou Criocères?

Nous sommes nombreux à admirer les fleurs de Lis. Et je mets de côté toute la symbolique associée à ces plantes car je ne veux me baser que sur des critères esthétiques. Il est ainsi fréquent d'en trouver des variétés horticoles plantées dans les jardins.
Bref, nous trouvons tous la plante fort jolie, c'est merveilleux. Que règne l'harmonie...

Seulement, voilà-t-y pas qu'une affreuse bébête à la couleur diabolique se met dans la caboche (pourtant fort étroite !) d'en grignoter des pans entiers ! Il faut préciser que ses plantes hôtes habituelles, des lis sauvages et fritillaires, se sont bien raréfiées dans la nature... Et les hommes n'y sont pas pour rien ! Du coup, elle rapplique illico sur les feuilles des variétés horticoles suscitées avec une voracité déconcertante. Du genre à sculpter de la dentelle anglaise, certes affriolante, mais bon, ce n'est pas le sujet...

Une telle bestiole se doit d'être hideuse en accord avec l'infamie perpétrée ! Seulement, c'est là que ça cloche. Parce que le coupable en question, répondant au doux nom de Criocère du Lis (Crioceris lilii) est un petit coléoptère tout ce qu'il y a de plus somptueux. Sa robe écarlate reluisante comme un velours de cardinal en impose un brin.

L'interruption suivante est indépendante de notre volonté. Le Comité Officiel des Scientifiques Annihilateurs de Controverses (COSAC) tient à préciser : "Le rédacteur feint d'ignorer que les larves s'enduisent le corps de leurs propres excréments pour se protéger de la dessiccation. Le COSAC dénonce donc avec force cette présentation outrancièrement flatteuse du Criocère. Le COSAC condamne ces procédés malhonnêtes assimilables à de la vile propagande naturaliste."

Mouais... Merci, ô tout puissant et vénéré COSAC ! Côôômme il était judicieux d'apporter ces précisions ! Je me flagelle dans l'allégresse dès la fin de l'article...

Bon, reprenons. Hum ! Mes amis, en vérité, je vous le dis, le temps des questions existentielles est arrivé.
Qui du Lis ou du Criocère (adulte !) est le plus beau ? Se pourrait-il que ce petit insecte devînt l'objet principal de notre émerveillement, au dépens du Lis ?

L'air de rien, nous mettons le doigt sur l'un des nœuds du problème qui nous occupe dans ce blog. Roulements de tambours et frissons dorsaux. Voici que nous touchons au but ultime de notre problématique.
Eh oui ! Si nous nous compliquons la vie, dans nos jardins, à vouloir faire la guerre à ces petites bestioles, à pourchasser ces malheureuses plantes sauvages incapables de fuir, c'est parce que nous n'acceptons pas l'imprévu, l'inattendu, l'incontrôlé, l'insoumis, le spontané. Pire, par décret psychologique et culturel, nous décidons que ces manifestations de la vie sauvage sont viles et moches.
Mais que préfèrerait un extraterrestre ? Ou tout simplement un enfant ? Pour résumer, un individu non encore rompu à nos conventions culturelles et esthétiques ? Sans a priori en tête, ils pourraient s'émerveiller autant pour l'un que pour l'autre être vivant.

Et si nous passions au "jardin naturel" ? Je ne parle pas du potager (qui peut d'ailleurs lui aussi se gérer écologiquement) mais de l'espace vert d'agrément. Là donc, les chenilles, les criocères et autres phytophages bariolés sont désirés et suscitent autant d'émerveillement que tous les autres êtres vivants. Du coup, lutter contre n'a plus de sens.
Pourquoi ne pas nous émerveiller pour autre chose que la plante que nous avons payée cher en jardinerie ?
Insecticides obsolètes, longues heures de roulage de pouces en perspective, économies... N'est ce pas réjouissant?

PS : pour me faire pardonner mes penchants propagandistes, je vous recommande chaudement de consulter les extraordinaires pages entomologiques d'André Léquet et notamment celle où vous apprendrez toute la vérité sur le Criocère du Lis.

mardi 25 janvier 2011

C'est arrivé près de chez vous...




J'ai photographié cette guêpe de la famille des chrysides sur une autre ombellifère que la berce, la tout aussi commune carotte sauvage. S'agit-il d'une des plus jolies guêpes de France? Vue sa livrée arc-en-ciel, la question est légitimement posée.

Compte tenu de la ressemblance des deux plantes, j'aurais pu tricher un tantinet, céder à la tentation et l'intégrer à la série sur les berces pour l'enrichir. Ainsi j'aurais perfidement détourné à mon profit le capital de sympathie qu'une aussi charmante bestiole dégage afin d'achever de vous convaincre que décidément, oui, c'était fait avéré : les berces étaient vraiment des plantes fabuleuses.
Vous alliez les semer et les laisser pousser dans vos jardins et convaincre encore le maire et les services techniques d'en faire autant sur les plates-bandes communales puis organiser des sorties nature dans la cour de l'école pour observer les guêpes sur les ombelles... Ne riez pas ! J'en connais dont c'est le boulot quotidien. J'ai les noms mais ne comptez pas sur moi pour les dénoncer !

Mais un petit mensonge reste un mensonge ! Et point de cela ici.
Toutefois, il est vrai qu'elle aurait très bien pu être observée sur une berce. Mais non, ce jour-là, Madame n'a pas daigné. Ou je n'ai pas été au rendez-vous quand le fait s'est éventuellement produit.

Il ne me reste plus qu'à commencer une série sur les carottes sauvages, très attractives. Puis une autre sur la foule des butineurs de chardons (plantes éminemment riches en nectar fort appréciées des abeilles). Sans oublier les bourdons sur les vipérines, les papillons sur les scabieuses, etc. Y a de quoi faire, sans aucun doute !

Bref, revenons-en à notre guêpe, notre chryside superbe, en habit céleste. Sous ses airs de star de la mode charmeuse et ensorcelante de beauté se cache une perfide créature. Ne nous y fions pas ! La fainéante ne daigne pas (décidément !) élever ses petits elle-même. La mère indigne va rechercher les nids de certaines abeilles ou guêpes solitaires (par exemple, ici, les guêpes du genre Oedynerus pour les passionnés), attendre qu'elles aillent quérir pitance, délaissant alors leur édifice de terre, pour s'y introduire subrepticement.
Et là, c'est le drame. Via un procédé fourbement ourdi, certes dicté par ce qui lui reste d'instinct maternel, la chryside pique la larve présente pour y pondre son œuf. La malheureuse Oedynerus nourrira désormais à son insu, une autre larve, parasite, qui dévorera vivante la sienne.

L'interruption suivante est indépendante de notre volonté. Le Comité Officiel des Scientifiques Annihilateurs de Controverses (COSAC) tient à préciser ceci : "en délaissant ces sentiments anthropomorphiques n'ayant d'autre but que de vous faire maladroitement sourire, il faut considérer que les parasites jouent un important rôle régulateur. La chryside n'a donc pas d'effets négatifs sur son écosystème, bien au contraire !"

Hum ! Mmmhm ! Merci, tout puissant et vénéré COSAC !

Fin de la parenthèse. Je reprends.
Voici, maintenant, une reconstitution de l'horrible forfait. Bien entendu, les images violentes pouvant heurter la sensibilité des personnes les plus fragiles ont été retirées de cette publication. Pas de "nature-réalité" ici.

Voici notre brave et honnête femelle d'Oedynerus s'échinant à la tâche, mère consciencieuse et minutieuse en train d'élaborer un fier tube de terre pour accéder glorieusement à la chambre de sa progéniture. Elle va jusqu'à offrir sa salive pour amalgamer la terre constituant l'édifice.




A quelques décimètres de là, la chryside attend son heure, froidement et implacablement.




Hélas, l'occasion ne survient que trop tôt! Mère courage s'est déjà absentée, non pour abandonner sa tâche mais pour quérir quelque indispensable matériau !



Sans tarder, l'odieuse criminelle pénètre dans la chambre larvaire sans rencontrer d'obstacles. Je tairai alors la scène qui suit par égard pour les lecteurs tant elle pourrait choquer les âmes sensibles.



Vous croyez que cela se passe toujours chez les autres, n'est ce pas? Et bien regardez un peu ce beau terrain de chasse...



L'interruption suivante est indépendante de notre volonté.
Le COSAC tient à préciser ceci : "le COSAC ne cautionne pas le ton sentimentaliste adopté par le rédacteur pouvant laisser croire à de mauvaises intentions de la part d'insectes agissant dans le but d'assurer légitimement leur reproduction.
Par ailleurs, il dénonce l'hypocrisie du rédacteur qui prétend ne pas faire de "nature-réalité" alors même qu'il tente par des effets de dramatisation outrancières d'exacerber les émotions du lecteur. Ce ne sont pa
s là des procédés scientifiques et convenables à la hauteur des aspirations de sensibilisation et d'information affichées par ce blog."

Aïe! Pas sur la tête ! Certes, certes, vous n'avez que trop raison, savantissime COSAC ! Je suis indigne, je suis infâme !

Pfff! Si on peut plus rigoler...

Aïe ! Mais AIEUH !

mercredi 12 janvier 2011

Savoir regarder la nature - introduction.




Les très jeunes enfants, disons avant l'âge de 7 ans, portent un regard neuf et ouvert sur leur environnement parce que leur curiosité n'est pas encore dirigée vers ce que les adultes considèrent primordial. Parce que leur comportement n'est pas encore calé sur celui des stéréotypes que nous leur imposons plus ou moins.
De plus, leur petite taille leur donne accès à des dimensions et strates que nous avons tendance à ignorer. Du coup, ils détectent avant nous nombre de petites bestioles et de fleurs cachées dans une prairie naturelle là où nous nous ne voyons qu'une mer homogène verdâtre de mauvaises herbes. De l'araignée crabe en embuscade autour du capitule de marguerite, en passant par les lichens en forme de trompettes pour lutins des souches jusqu'aux fleurs délicates et minuscules des gaillets jaunes.

Cette manière de regarder largement, ouvertement, naïvement plutôt que de voir selon les normes préétablies manque cruellement aux adultes. Cette faible capacité à percevoir soustrait de notre champ de vision une foule de représentations de la biodiversité dont nous finissons par ne même plus soupçonner l'existence.
Ainsi, comment ne serait-ce que souhaiter protéger ce que nous ne connaissons pas encore ?

Loin de moi l'idée d'affirmer qu'il faudrait retrouver l'immaturité des enfants. Ils peuvent aussi se montrer cruels (sans en avoir conscience, souvent) mais franchement, il nous faudrait réapprendre à porter un regard neuf comme le leur sur la nature. Et c'est tout un monde féérique et bariolé qui s'offrirait à nous. Nous retrouverions cette à capacité à nous émerveiller le plus naturellement du monde, à nous émouvoir sans détours, à être fascinés devant la diversité des formes du vivant, le génie de la nature, sa beauté tout simplement.
Ceux que la nature aura charmés n'auront plus beaucoup d'efforts à faire pour la protéger. Ce ne sera plus qu'une question technique. Et les solutions existent...

La vraie difficulté est bien de surmonter les barrières psychologiques et culturelles qui nous conditionnent.


PS : nous ouvrons cette série d'articles intitulée "Savoir regarder la nature" par cette petite introduction. D'autres articles suivront autour d'images et illustrations insolites de petits mystères de la nature, glanés au fil de nos promenades...
PPS : Merci et bravo à Olivier pour son illustration, malicieuse et pertinente, comme d'hab!

dimanche 2 janvier 2011

Libergot ou escarbellule?


Mon petit garçon a choisi escarbellule... et vous?
Personnellement, je déconseillerai le médicamenteux escargellule...
On attend vos propositions via les commentaires...

Pour les curieux, il s'agit d'un agrion, une famille de petites libellules : les demoiselles. L'écartement entre les extrémités de ses yeux, vus de face, atteint à peine 3 mm... L'insecte mesure environ 35 mm de long et se pare d'une robe d'ensemble bleutée parsemée de dessins noirs.

Pour briller en société, sachez que l'on "confond" souvent deux termes : odonates et libellules.
Si l'on veut être rigoureux : l'ordre des odonates regroupe deux sous-ordres en Europe.

1. Les zygoptères ("demoiselles") souvent grêles dont les ailes sont toutes rassemblées au dessus du corps et de forme semblable. Les yeux sont aussi nettement séparés. On y trouve différents groupes tels que demoiselles vraies, lestes, agrions, etc.

2. Les anisoptères (dont les "libellules vraies" d'où confusion d'une partie pour le tout), souvent de bonne taille, étalant leurs ailes à plat au repos, en croix. Ailes avant et arrière sont souvent différentes. De plus, à l'exception du groupe des gomphes, les yeux se touchent. Quelques groupes de ce sous-ordre : cordulégastres, aeschnidés, libellules vraies, gomphes, cordulies, etc.

Voilà pour les détails taxonomiques (de classification).

Enfin à l'occasion de ce premier article de l'année, c'est avec plaisir que nous nous plierons à la tradition des vœux.
Nous vous souhaitons une très bonne année 2011 à tous !!

Mais surtout, merci à vous tous, les lecteurs de France, Belgique, Nigéria, Suisse, Ukraine, Canada, Chine, Algérie, Allemagne, Etats-Unis, Croatie, Russie, Tunisie, Maroc, Espagne et de quelques autres pays (que nous ne pouvons plus citer faute de statistiques assez précises) pour votre fidélité ! N'hésitez pas à nous critiquer, nous encourager et nous faire connaître si cela vous plaît.