vendredi 10 décembre 2010

Idées reçues sur le lierre - 3ème partie.

Suite de notre fervent plaidoyer en faveur de la liane la plus redoutée de France (voir épisode précédent).

Le lierre est une plante à l'anatomie assez fascinante: pouvant mesurer de 20 à 30 m, il est aussi long que la plupart des arbres même s'il n'atteint pas souvent les mêmes hauteurs.
Il possède aussi 2 types de rameaux parés de feuilles aux formes très variables. Ceux qui portent des fleurs sont munis de feuilles simples, ovales en général, les autres portent des feuilles lobées parfois presque en étoile.

Enfin, particularité non réservée aux plantes tropicales, il s'agit d'une liane. Ce n'est d'ailleurs pas la seule que l'on rencontre en France à l'état sauvage.
Citons la Clématite des haies (Clematis vitalba), la Vigne (rarissime à l'état sauvage), le Chèvrefeuille des bois (Lonicera periclymenum) et le Houblon (Humulus lupulus) pour les espèces les plus connues, mais aussi la Bryone dioïque (Bryonia dioica) , la Cucubale à baies (Cucubalus baccifer), la Morelle douce-amère (Solanum dulcamara), plusieurs espèces de Vesces (Vicia sp.) ou Gesses aux superbes fleurs (Lathyrus sp.), le Gaillet gratteron (Galium aparine), etc. Largement de quoi remplir un autre article.

Arrêtons nous un moment sur le cas de l'une de ces espèces. Il faut noter que le Chèvrefeuille des bois bénéficie d'une bonne réputation en raison du parfum de ses belles fleurs. Cependant, il est le seul à réellement étrangler les jeunes branches des arbres et arbustes. On remarque parfois dans les bois, les tiges vrillées de celles qui lui ont résisté... C'est lui le coupable !


Le dessin ci-après montre l'évolution conjointe d'une branche d'arbre sur laquelle une liane de chèvrefeuille grimpe.
La bataille est serrée, c'est le cas de le dire. L'étreinte de la liane sculpte la branche en spirale. Tantôt, la branche cède et finit étouffée : la sève ne peut plus passer. Tantôt elle l'emporte en parvenant littéralement à pincer et sectionner la liane (4). Malgré tout, la forme spiralée demeure visible longtemps après la décomposition du chèvrefeuille conférant un caractère féérique au végétal vrillé.

Ceux qui nous lisent depuis un petit bout de temps savent que nous ne rechignons pas à manier l'ironie. Certes, le lierre possède de nombreuses qualités. Pourtant, pour être honnête, il faut tout de même lui reconnaître un léger inconvénient.

S'il ne nuit pas aux arbres, il faut se méfier de lui sur les bâtiments, en particulier les vieux murs. Et le comble : c'est justement là qu'on le tolère le plus aisément ! Une réminiscence esthétique du romantisme ?
En effet, dès que le mur n'est plus lisse ou que le crépi est crevassé, le lierre risque de s'insinuer dans les failles et faire exploser ou disjoindre les pierres. Les vieux murs dont les pierres sont souvent liées avec des mélanges plus ou moins riches en terre lui fournissent en outre un substrat dans lequel il peut développer de nouvelles racines.
Il peut alors repousser plusieurs années de suite, même si on l'arrache tous les ans. Il faut dans ce cas veiller à couper tous les jeunes rameaux plusieurs fois par an pour ne pas en laisser grossir le diamètre. Mais pour n'avoir jamais cessé d'œuvrer sur les vieux murs de la maison de mes parents, je vous souhaite vraiment bon courage si c'est votre cas !

Vraiment, la plante mérite plus juste traitement que celui réservé jusqu'alors. Elle a tant à offrir à nos forêts, nos haies, nos jardins : richesses naturelles, poésie... Oserais-je même tendresse amoureuse ? Il faut la voir s'agripper aux arbres. Non. Que dis-je ! Elle les embrasse, les enlace, les choie, les caresse. Et quand vient pour eux le temps de la sénescence et de la décrépitude, elle redouble de ferveur et de passion exubérante déployant tous ses charmes en une croissance fougueuse.
Ce n'est pas exactement le traitement que nous réservons aux personnes âgées dans nos sociétés au regard de l'état de certaines maisons de retraite...

Mais pour terminer sur une note plus romantique dont j'assume parfaitement le côté fleur bleue, je connais bien deux amoureux dont les alliances sont ornées de feuilles de lierre. Leur devise est celle de la plante :

"Je meurs ou je m'attache."


4 commentaires:

  1. Moi je dis : c'est vraiment trop beau, ce plaidoyer pour le lierre !
    On se demande bien ce qu'il a pu nous faire pour mériter pareille réputation !

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  2. Euh... Trop de bien, tue le bien?
    Je ne sais pas, c'est une hypothèse... Tout à l'heure, j'ai encore vu des haies entières de lierre. Nous sommes en hiver et pour ceux à qui cela convient, la haie était bien opaque avec grâce ses feuilles persistantes. Il y a avait aussi de la clématite enchevêtrée qui densifiait tout cela. Plus loin, j'ai encore aperçu du lierre et à nouveau de la clématite qui croissaient à travers une haie de thuyas. La preuve de ta démonstration.

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  3. Et oui ! J'espère que tu as pris une photo !
    En tout cas, le lierre fournit tout ce qu'on lui demande : j'ai lu cet été une thèse en sciences sociales sur la perception de la haie dans le bocage pavillonnaire. Un des éléments importants, pour les habitants de ce type de milieu, c'est d'avoir une haie bien fournie pour que personne ne voie ce qu'ils font dans leur jardin. C'est notamment la raison des plantations massives de thuya et de laurier cerise dans les années 70-80...

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