mercredi 3 novembre 2010

Des herbes hautes ? C'est du propre !

"Laisser pousser l'herbe dans mon jardin, dans les espaces verts publics ou sur les bords de route ? Quelle drôle d'idée ! Mais pour quoi faire ?
Bon, c'est vrai que c'est joli au cinéma ou à la télé. D'ailleurs, j'aime beaucoup les paysages des films qui parlent de grands espaces sauvages, comme "Danse avec les loups" ou "l'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux", mais je ne sais pas trop pourquoi, près de chez moi (ou pire, chez moi), c'est pas pareil... Les herbes hautes, je trouve que ça fait sale..."

Voilà un discours que l'on entend fréquemment lorsque l'on aborde le sujet épineux de la Nature en ville et de la fauche tardive en particulier. Je me suis souvent posé la question : pourquoi cette méfiance vis à vis des hautes herbes ? Comme mon camarade Guillaume, je suis convaincu qu'il y a là-dessous quelque chose de hautement culturel (voir son billet du 26 mai 2010), quelque chose qui remonte à fort longtemps, peut-être même à la nuit des temps.

En effet, il faut se rappeler que notre précieuse Espèce humaine n'a pas toujours eu cette place de choix en haut de la chaine alimentaire : oui, mesdames et messieurs, nous autres, humains, avons un jour été les proies de terrifiantes créatures telles que Lions, Panthères, ou encore Tigres à dent de sabre (voir la photo ci-dessous, retrouvée dans les fouilles archéologiques d'un campement préhistorique ; cliquez pour agrandir).

Ces épouvantables prédateurs n'hésitaient pas, on l'imagine, à se tapir dans les hautes herbes de la savane africaine (d'où nos ancêtres sont originaires) pour nous sauter dessus sans le moindre avertissement ! Et que dire de ces serpents venimeux, de ces scorpions, de ces araignées qui devaient également profiter de cette cachette providentielle pour mordre ou piquer le pauvre quidam imprudent ? Pas besoin de beaucoup de créativité pour se douter qu'à cette sombre époque, une balade dans les hautes herbes devait quelquefois se terminer au fin fond d'un estomac antipathique et étouffant. Sans compter ces plantes qui piquent, ces herbes qui coupent, qui brûlent, ou qui font tousser (ne les qualifie-t-on pas de "mauvaises herbes" comme si elles n'avaient qu'une envie : nous faire du mal ?)
Bref : nous avons donc appris, pendant des milliers d'années, à nous méfier des herbes hautes...

Alors quelle euphorie lorsque sont apparus faux, cisailles, sécateurs, tondeuses, coupe-bordure et autres engins de torture. Enfin il nous devenait possible de dompter cette hostile nature que nous redoutions tant ! Enfin nous pouvions la façonner selon notre bon vouloir, lui donner les formes que nous voulions, des formes rassurantes, des ronds, des carrés, et puis surtout : nous pouvions, ô joie ! ratiboiser l'herbe de manière à nous assurer qu'elle ne puisse pas dissimuler quelque maléfique prédateur ! Et c'est ainsi que sont apparus nos fameux jardins à la française, avec une Nature bien domptée, bien docile, bien géométrique, en un mot : bien propre, avec la raie au milieu, et pas un brin d'herbe qui dépasse.

Voilà donc, pour moi, la raison de notre amour pour ces gazons bien tenus, bien homogènes et bien rassurants. Bien sûr, nous continuons d'être attirés par ces grandes étendues sauvages que nous apprécions sur nos écrans, ou en vacances à la campagne. Sans doute parce qu'elles nous rappellent les moments où nous étions une espèce encore libre et sans contraintes. Mais nous avons néanmoins plus de mal à accepter cette sauvagerie trop près de chez nous... Peut-être avons-nous encore en nous, caché dans un de nos gènes, le lointain souvenir d'une gueule béante jaillissant d'une touffe d'herbes hautes.

Olivier


Complément de Guillaume: "De nos jours, les circonstances dans lesquelles nous éprouvons le contact avec la nature ont radicalement changé : la technologie (équipement, vêtements et protections corporelles), la médecine, le découpage de l'espace naturel, GPS (etc.) nous protègent dans presque toutes les configurations. Il faut donc profondément relativiser le danger représenté par la nature de nos jours. Même dans des régions tropicales plus risquées, les chercheurs n'hésitent plus à prospecter. Seules les personnes socialement défavorisées de ces contrées ou bien celles aux comportements notoirement imprudents des régions tempérées courent un risque. Or, notre volonté de contrôle sur la nature a atteint de tels extrêmes qu'elle n'a désormais quasiment plus aucun sens. Voire risque même de nous compliquer la vie à force de vouloir la détruire autour de nous. Et dans ces nouvelles conditions, ce n'est pas le retour des hautes herbes ici ou là qui ramènera cette menace. Alors, détendons-nous un peu et savourons en toute tranquillité les richesses qu'elles nous réservent."

11 commentaires:

  1. Ahhh, voilà un article qui va nous servir pour convaincre ou tout du moins démontrer que les herbes ce n'est pas sale!!! Mais si depuis Louis XIV nous sommes habitués à voir des jardins tout "propre", j'espère qu'il ne va pas falloir 400ans pour s'habituer à voir des pissenlits en bas de chez soi!PS : l'aquarelle est très rigolote! on adore! encore!!! encore!!!

    RépondreSupprimer
  2. Là est la question, en effet. Combien de temps?

    RépondreSupprimer
  3. Ah, je crois que ça avance doucement quand même. Aujourd'hui, les gens sont d'accord pour dire que les herbes folles, ce n'est pas si moche... Chez les autres, mais bon... ça va venir... Si-si, soyons optimistes ! Allez !

    RépondreSupprimer
  4. Mais oui ça avance, meme dans les collectivités certains responsables des espaces verts interviennent beaucoup moins en terme de tonte et sont capables de le justifier auprès des administrés et auprès des élus!
    Et puis quel bonheur, si on pouvait se trouver au contact d'orvets ou autres...en petite couronne!
    Frenchement!!

    RépondreSupprimer
  5. On veut y croire... French? The French? The one and only?

    RépondreSupprimer
  6. Et puis on peut aussi se cacher dans les herbes hautes ... Et faire peur aux copains qui nous cherchent ! Et admirer les jolis papillons, pas trop les araignées (désolée, cette phobie ne passe pas !)
    Non c'est bien mieux que ces f... b.... de changements de plantations à chaque saison ou avant chaque fête dans ma ville ...
    Réflexion : c'est des nases !

    RépondreSupprimer
  7. Hello Titane !
    Merci de ton message ! Je suis fan de ton blog ! ;)

    RépondreSupprimer
  8. Ben de rien et merci aussi ! Je suis contente pour vous que ce projet vous tienne à cœur, ne lâchez rien !
    On les verra pousser ces petites herbes pleines de ressources et de richesses !

    RépondreSupprimer
  9. Ouaip c'est bien French !

    Et tiens si on laissait les feuilles mortes... vivre... sur le sol non bitumé de nos belles citées de la petite couronne!
    Frenchement

    RépondreSupprimer
  10. Ah, les feuilles mortes ! Elles feront l'objet d'un article à venir sur ce même blog !

    RépondreSupprimer
  11. Chez nous dans le 92, à Rueil Malmaison pour être précise (c'est bon, là j'ai bien délationné ?) et ben les feuilles mortes, ils passent leur temps à les ramasser avec leur souffleur empêcheur d'oiseaux de siffler en paix. Ils le font surtout quand il fait très très beau, que la nature s'éveille. Et puis ils le font surtout aux endroits où de toutes façons on n'a pas le droit de marcher. Donc ça sert à rien. Par contre, il les laissent bien pourrir devant le trottoir de l'école et les regardent se décomposer et devenir un terrain de sports de glisse hyper dangereux pour les élèves (maîtreffe, f'est drôle, v'ai perdu mes infivives). Diantre comme la politique locale a besoin de personnes comme vous ! Ca vous dirait pas de devenir Présidents du monde, hein ? Dites, Hein ?

    RépondreSupprimer