jeudi 24 juin 2010

"Fast food des friches" - bioquantité ou biodiversité

Selon les sources de l'INAO (Institut national de l'origine et de la qualité), il existe en France 49 appellations d'origine contrôlée de produits laitiers, 395 de produits viticoles et encore 41 de divers autres produits alimentaires. Et dans de nombreux pays, des armadas de labels ne protègent pourtant qu'une partie de la formidable diversité des produits des terroirs. Une richesse inouïe dont on ne verrait que la partie émergée de l'iceberg.
Pourtant, la malbouffe semblait imposer irrémédiablement jusqu'à présent une palette réduite de saveurs où la puissance et le manque de subtilité dominaient : gras, sucré, croquant, fondant. Et basta. Une industrie agroalimentaire surpuissante avait imposé sa cuisine simpliste hyper-calorique pour assouvir les seuls besoins primaires d'humains en manque d'exigence ou malheureusement privés d'une éducation gustative suffisante.
La quantité primant sur la qualité, la diversité.

Les humains non contents de s'imposer cet appauvrissement à eux-mêmes se sont mis en tête de l'imposer aussi aux butineurs. Alors que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les abeilles et papillons, la nature pourvoyant tout ce qu'il fallait de feuilles à grignoter pour les larves, de fleurs à butiner pour les adultes, avec taille, forme et profondeur des corolles adaptées à toutes les trompes, eh bien, il a fallu que l'homme s'en mêle. On a vu apparaître des plantes (à acheter, évidemment) spécialement mellifères. Vous imaginez, des fois que certains aient l'idée d'utiliser gratuitement les ressources de la nature, en l'occurrence, les fleurs et arbustes sauvages du coin qui jouent le même rôle depuis la nuit des temps avec succès? Surtout ne pas laisser le temps aux gens de réaliser que tout ne se trouve pas au supermarché! Vite ! Exploiter le filon marketing avant qu'ils aient le temps de réfléchir !
Ainsi donc, des plantes exotiques telles que le fameux arbre à papillons (ou Buddleia) ont envahi nos jardins, puis nos terrains vagues (îlots de biodiversité miraculeusement oubliés par les lames), puis les espaces naturels et autres réserves de biodiversité.
Cet arbuste, c'est le "fastfood des friches" : il produit beaucoup mais d'une seule substance sucrée, le nectar. Il attire beaucoup de papillons, notamment, c'est à dire des insectes adultes. Le problème c'est qu'il ne nourrit aucune larve lorsqu'il croît dans nos contrées. Il ne permet à aucune chenille de se transformer en papillon. Il ne crée pas de la biodiversité mais permet seulement de nourrir celle qui s'est développée sur d'autres arbustes, indigènes eux. En outre, il a tendance, en se propageant rapidement, à remplacer la flore locale nourricière, celle qui, justement, crée et démultiplie la diversité animale.
Quelques papillons communs qui se nourrissent sur des plantes ressources à l'abondance plutôt irréductible (orties, ronces, certaines violettes, des crucifères plus ou moins cultivées comme les moutardes et les choux, etc. Loin de moi la volonté de jeter l'anathème sur ces plantes fort utiles et respectables.) peuvent alors se concentrer en masse autour du fastfood des friches pour s'y gaver allègrement de ses larges décilitres de nectar. Mais il s'agit d'un nombre restreint d'espèces : Citron, piérides blanches, Paon du jour, Vulcain, Robert le Diable, Belle Dame... On parle alors plutôt de "bioquantité" (beaucoup d'individus de la même espèce) que de biodiversité.
Certes, il ne sera jamais possible de tous les rencontrer dans un jardin mais il existe un peu plus de 250 papillons de jour en France. Et ceux de nuit se comptent en milliers. Cela laisse rêveur.

Planter un Buddleia part souvent d'un bon sentiment. Celui d'apporter un soin à ces pauvres papillons que l'on a bien fait souffrir. Un peu comme les graines pour les oiseaux. Vous l'avez compris, ce n'est pas aussi évident...
Je peux vous imaginer un peu contrarié par ces propos qui ressemblent à ceux d'un rabat-joie. Détrompez vous ! Je ne veux pas vous laisser désemparés par l'absence de solutions. Car justement, elles existent ! Elles sont mêmes les moins fastidieuses à appliquer, les moins chères.
On peut rêver d'un monde où les animaux n'auraient pas besoin de soins artificiels, ces béquilles que nous croyons toujours indispensables à leur survie.
Il suffit de choisir pour nos jardins des plantes issues de la flore locale. Au moins un ou deux milliers d'arbres, arbustes et fleurs différents croissent dans chaque région. Parfaitement adaptés à nos sols et climats, ils n'ont pas besoin de soins particuliers, d'eau, d'engrais et encore moins de produits chimiques. Certains arbres et arbustes se bouturent le plus simplement du monde. Il suffit souvent d'aller récolter, certes avec parcimonie, quelques jeunes rameaux dans les alentours, de cornouiller, de rosiers, d'osiers sauvages, etc. Sinon, on trouve les jeunes plants aux prix les plus modiques chez certains pépiniéristes sous des termes tels que "plants forestiers". S'il est difficile de donner une liste valable pour chaque région de France, on peut se renseigner auprès de diverses associations naturalistes ou nature. Je réponds volontiers aux questions sur ce sujet si vous le souhaitez via les commentaires.

Laisser la nature se reconstituer par elle-même est encore ce qu'il y a de plus facile. Pratiquez le fauchage tardif (une seule coupe annuelle en automne) sur certaines parties du jardin, par exemple, et les insectes vous remercieront. Notamment par le rôle qu'ils joueront en tant qu'auxiliaires du jardinier...

Toute sortie nature sur les papillons et autres butineurs se doit de parler des plantes sauvages nourricières des larves ou des mellifères dont ces animaux dépendent. La quantité de ces végétaux est tellement faramineuse qu'on a du mal à imaginer de devoir ensuite acheter une plante exotique réputée pour son nectar. Sans oublier qu'autant de ces espèces s'avèrent alimentaires, médicinales, tinctoriales, textiles, etc.
C'est trop évident et simple peut-être, pour sembler plausible.

Maintenant, vous savez.

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