samedi 12 février 2011

Des fleurs sauvages après la mort ?


Sauges sauvages (Salvia pratensis) poussant spontanément à l'entrée d'un cimetière de Seine-et-Marne, étrangement et heureusement épargnées par les tondeuses.

Bon. Ça y est. Je suis mort. Et si.
Je sais, c'est une lourde perte pour l'humanité. Séchez vos larmes ! Il est probable qu'elle s'en remettra...
Pourtant, en voilà bien assez pour clamer les pires outrages : "Le monde est enfin débarrassé de ses discours d'écolo extrémiste. Empêcheur de tondre en rond ! On va enfin pouvoir refourguer tranquilles nos thuyas OGM à fluorescence intégrée. Via le branchement sur secteur, le thuya clignote tout seul dès que le premier jour de l'avent est entamé. Le monde en avait besoin, nous l'avons fait !"

Mais le supplice post-mortem ne fait que commencer !!
Laissez-moi vous narrer les faits et les choix qui m'ont conduit à subir une atroce torture, certes désormais plus psychologique que physique.
En effet, après mure réflexion, j'ai choisi de ne pas être incinéré. Après toute l'énergie que j'ai dépensée de mon vivant, tout le CO2 que j'avais émis, c'était bien la moindre des choses d'arrêter les frais dans l'au-delà.
Après avoir plutôt offert mon corps aux progrès scientifiques et médicaux, il restait encore quelques morceaux de bidoche à faire disparaître. Étant constitué de matière organique issue de l'écosystème terrestre, j'aurais bien voulu les lui rendre en les laissant aux bons soins de divers charognards, vautours ou décomposeurs sauvages. Mais bon, là, "faut pas pousser" qu'on m'a répondu !
Dommage !
Ne restait alors que la possibilité d'enterrer le tout dans le lieu idoine : le cimetière.
"Bon ben, puisque j'ai le choix, allons-y pour l'enfouissement", me résolus-je, faussement résigné.
En effet, me croyant malin comme un singe, j'avais en secret échafaudé le doux rêve suivant : après avoir choisi une tombe sans pierre, seulement recouverte de terre, je me décomposerais en douceur dans le sol et me transformerais en humus. Ensuite, j'offrirais ma nouvelle composition fertile à la croissance de plantes qui nourriraient elles-mêmes des insectes, puis des oiseaux et ainsi de suite.

Tu parles !! Que dalle, oui ! Car depuis que je repose en terre, on paye (vous payez!) quelqu'un pour m'éclabousser de produits chimiques qui éradiquent toute vie sur ma tombe, qui m'interdisent de donner un sens à ma mort en permettant à d'autres êtres vivants d'en tirer profit.
Il n'y a même plus de pissenlits, moi qui les aimais tant ! Par pitié ! Laissez-moi les manger par la racine !!

Et vous, ça vous dirait de recevoir tous ces poisons sur les os? Parce que dites-vous bien que le contraire est possible. Ils sont rares mais certains cimetières sont entretenus sans produits chimiques.
On peut ré-enherber (le cas de Fontainebleau) mais parfois, même, on y tolère, au moins durant la belle saison, des plantes sauvages qui poussent spontanément car on se souvient de leurs multiples propriétés médicinales, alimentaires, tinctoriales, etc.
Dans un village exemplaire, Montmachoux en Seine-et-Marne, j'ai trouvé le superbe bouillon blanc, le salsifis sauvage, le thym serpolet parmi nombre d'autres plantes. Il y avait même des orchidées sauvages au pied de l'église !
Allez vérifier !

Maintenant, vous savez.

Guillaume.

7 commentaires:

  1. Je pense qu'il y a du bon sens à retrouver. Nos anciens le faisaient bien. Juste un linceul et le tout en développement durable "tu es poussière et tu retourneras à la poussière". Je suis allée visiter le cimetière russe de Ste Geneviève des bois. Là j'ai découvert un lieu surréaliste dans nos contrées. Des arbres partout se nourissant de la terre et faisant revivre l'esprit de ceux qui reposent en paix à leur pied. Oui c'est un nouveau combat pour le retour aux sources !

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  2. sauf que sans dalle , que dalle pas de lichen dessus (ni mousse d'ailleurs)

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  3. Certes ! Certes ! J'adore les lichens et leurs formes étranges ! Je ferai surement quelques articles là-dessus. Ceci dit, il reste tous les murs du cimetière et puis de toutes les façons, je n'ai rien contre les pierres, les dalles, les croix, etc.
    Et enfin, il y a aussi des lichens sur bois, sur le sol... Il y en a pour tous les goûts, sans biocides.

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  4. Je pense à un nouvel avantage à la présence d'une pierre tombale ou d'une dalle. Je pourrais y graver l'épitaphe suivante: "Ci-gît un amoureux des plantes et insectes sauvages qui vous supplie de ne pas répandre de produits chimiques et vous exhorte à tolérer au moins jusqu'à la fin de la belle saison les fleurs sauvages qui pourraient pousser ici-même."

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  5. Laisser entrer Dame Nature dans les cimetières est l'une des choses les plus compliquées à réaliser : les visiteurs prennent la venue des "mauvaises herbes" comme un manque d'entretien et surtout un manque de considération pour leurs proches qui ont disparu. Cela peut se comprendre, mais quel dommage, quand on sait ce que peut devenir un tel lieu si l'on laisse s'y exprimer les petites fleurs !

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  6. Moi aussi je veux une terre qui deviendra fertile grâce à ma décomposition ! Et voir des vraies petites fleurs libres de grandir comme elles le désirent. Je refuse déjà de mon vivant de recevoir quelque bouquet de fleurs que ce soit alors ça continuera quand je serait six feet under...
    On va y arriver les gars, on va y arriver !
    Bisous

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  7. bonjour,
    on y passera tous, alors autant s'y intéresser.
    pour un pote qui s'est retiré du monde (non, il est vivant, mais ... moine) j'ai ouvert ce blog:http://mortrevue.canalblog.com/ où tout est à prendre au 2ème degré bien sur !
    Savez vous pourquoi ces épines de Christ ?: les supliciés étaient enterrés au pied des croix et la tombe recouverte de ronces contre ... les chiens affamés. 40 jours après il y avait l'enlèvement de ces ronces, tradition existant toujours en Afrique du Nord.
    C'est en Autriche où j'ai vu des petits cimetières verdoyants avec haies vives bancs et veufs veuves venant y discuter, comme dans vos squares urbains.

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