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Nous sommes nombreux à admirer les fleurs de Lis. Et je mets de côté toute la symbolique associée à ces plantes car je ne veux me baser que sur des critères esthétiques. Il est ainsi fréquent d'en trouver des variétés horticoles plantées dans les jardins.
Bref, nous trouvons tous la plante fort jolie, c'est merveilleux. Que règne l'harmonie...
Seulement, voilà-t-y pas qu'une affreuse bébête à la couleur diabolique se met dans la caboche (pourtant fort étroite !) d'en grignoter des pans entiers ! Il faut préciser que ses plantes hôtes habituelles, des lis sauvages et fritillaires, se sont bien raréfiées dans la nature... Et les hommes n'y sont pas pour rien ! Du coup, elle rapplique illico sur les feuilles des variétés horticoles suscitées avec une voracité déconcertante. Du genre à sculpter de la dentelle anglaise, certes affriolante, mais bon, ce n'est pas le sujet...
Une telle bestiole se doit d'être hideuse en accord avec l'infamie perpétrée ! Seulement, c'est là que ça cloche. Parce que le coupable en question, répondant au doux nom de Criocère du Lis (Crioceris lilii) est un petit coléoptère tout ce qu'il y a de plus somptueux. Sa robe écarlate reluisante comme un velours de cardinal en impose un brin.
L'interruption suivante est indépendante de notre volonté. Le Comité Officiel des Scientifiques Annihilateurs de Controverses (COSAC) tient à préciser : "Le rédacteur feint d'ignorer que les larves s'enduisent le corps de leurs propres excréments pour se protéger de la dessiccation. Le COSAC dénonce donc avec force cette présentation outrancièrement flatteuse du Criocère. Le COSAC condamne ces procédés malhonnêtes assimilables à de la vile propagande naturaliste."
Mouais... Merci, ô tout puissant et vénéré COSAC ! Côôômme il était judicieux d'apporter ces précisions ! Je me flagelle dans l'allégresse dès la fin de l'article...
Bon, reprenons. Hum ! Mes amis, en vérité, je vous le dis, le temps des questions existentielles est arrivé.
Qui du Lis ou du Criocère (adulte !) est le plus beau ? Se pourrait-il que ce petit insecte devînt l'objet principal de notre émerveillement, au dépens du Lis ?
L'air de rien, nous mettons le doigt sur l'un des nœuds du problème qui nous occupe dans ce blog. Roulements de tambours et frissons dorsaux. Voici que nous touchons au but ultime de notre problématique.
Eh oui ! Si nous nous compliquons la vie, dans nos jardins, à vouloir faire la guerre à ces petites bestioles, à pourchasser ces malheureuses plantes sauvages incapables de fuir, c'est parce que nous n'acceptons pas l'imprévu, l'inattendu, l'incontrôlé, l'insoumis, le spontané. Pire, par décret psychologique et culturel, nous décidons que ces manifestations de la vie sauvage sont viles et moches.
Mais que préfèrerait un extraterrestre ? Ou tout simplement un enfant ? Pour résumer, un individu non encore rompu à nos conventions culturelles et esthétiques ? Sans a priori en tête, ils pourraient s'émerveiller autant pour l'un que pour l'autre être vivant.
Et si nous passions au "jardin naturel" ? Je ne parle pas du potager (qui peut d'ailleurs lui aussi se gérer écologiquement) mais de l'espace vert d'agrément. Là donc, les chenilles, les criocères et autres phytophages bariolés sont désirés et suscitent autant d'émerveillement que tous les autres êtres vivants. Du coup, lutter contre n'a plus de sens.
Pourquoi ne pas nous émerveiller pour autre chose que la plante que nous avons payée cher en jardinerie ?
Insecticides obsolètes, longues heures de roulage de pouces en perspective, économies... N'est ce pas réjouissant?
PS : pour me faire pardonner mes penchants propagandistes, je vous recommande chaudement de consulter les extraordinaires pages entomologiques d'André Léquet et notamment celle où vous apprendrez toute la vérité sur le Criocère du Lis.